Bonjour,
Merci pour le billet. D’accord avec l’essentiel (du haut de ma petitesse), en particulier sur le sens politique au moins “coïncident” (plutôt qu’involontaire) d’un tel discours dans la conjoncture actuelle. Je serai même plus sévère! (et si c’est utile à la compréhension, sans complexe de principe aucun à l’égard du “dévoilement”). Et je suis certainement plus sceptique à l’égard de la “cumulativité” elle-même : à la lecture des “vieux” livres me frappe autant, voire plus, ce qui s’est perdu en route que ce qui s’est plus ou moins accumulé. Mais peu importe ici.
Heureusement, l’avantage de ce genre – pénible – d’opérations de police du savoir, c’est que le discours s’autodétruit. Il est tellement plein de trous, de failles, d’approximations et d’erreurs, de préjugés et de partis pris de toutes sortes, d’une partialité que ne masquera jamais aucune rationalisation “savante”, que sa prétention à fixer les canons de la scientificité est ruinée d’avance. Elle a même un côté assez drôle, assez bouffon ; on a envie de dire, comme Deleuze à propos des psychanalystes : “c’est dans leur tête que ça va pas…”.
La tentation d’exclure les “paradigmes littéraires” est d’autant plus inquiétante que s’il y a bien quelques chose qui manque aux SHS aujourd’hui, c’est bien le style. Il suffit de relire les “fondateurs”, ou tout simplement de lire quelques lignes d’un(e) “grand(e)” historien(ne) français(e), pour s’en rendre compte. Cette confusion, ignorante ou intéressée, entre neutralité et platitude, entre objectivité et pondération (sinon mollesse analytique, voire indigence pure et simple), a eu des effets déplorables de standardisation de l’écriture en SHS. Certains y verront sans doute un gage de scientificité ; quiconque a déjà lu dans sa vie sait qu’il s’agit d’une (mauvaise) plaisanterie.
Quant à la cumulativité et à l’objectivité, tout dépend – mais attention, je divague – quelle visée on fixe aux SHS. On peut trouver que “Le suicide” de Durkheim est un bouquin génial, non pas parce qu’il marquerait un quelconque de scientificité, mais simplement (mais c’est énorme) parce qu’il représente un moment de créativité intellectuelle admirable, qu’il entraîne une conversion du regard fascinante. Autrement dit, je préfèrerai toujours mille fois les “fictions” foucaldiennes qui font voir le monde autrement, à la véracité immaculée qui enfonce des portes ouvertes. On peut tout à fait tenir un discours “vrai”, logiquement inattaquable, adéquat à son objet, et rigoureusement dénué d’intérêt. Bref, faire un travail de SHS qui vise l’objectivité ou la cumulativité, pourquoi pas ; encore faut-il savoir d’abord si l’on a quelque chose d’intéressant à dire…
Mais je menace là mon propre message – j’arrête là, donc
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Par : Greg
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